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Nico, What Else...?
30 juin 2008

La Tribune Libre, Bgex: "Le retour des IGH"

Le retour de la Tribune Libre aujourd'hui, et retour de Bgex. Je suis tombé par hasard en fouillant dans mon pc sur cet essai rédigé donc par Bgex, concernant sa position sur les tours à Paris. Et oui Bgex parle un peu urbanisme, et j'ai trouvé en outre ce point de vue très intéressant et instructif, que je vous fait donc partager ici, avec son aimable autorisation.

Le retour des IGH, par Bgex

Skyscrapers_20in_20Lujiazui
Bon ok, là ça fait un peu Sim City...

Le retour aux immeubles de grande hauteur (IGH), notamment pour des raisons environnementales (eh oui !) devra se faire un jour ou l’autre. C'est un des grands débats actuels dans le monde de l'urbanisme et de l'architecture à Paris.

Construire des tours, ça veut dire "densifier", en effet. Et beaucoup voient ça d'un mauvais oeil, traumatisés qu'ils sont par l'expérience des "grands ensembles" dans les années 60-70 qui sont devenus nos chères et tendres "cités dortoir" aujourd'hui. Mais il ne faut pas se tromper : la densité est loin d'être la cause de l'échec des "grands ensembles". Ce qui est plutôt en cause, c'est leur enclavement, leur éloignement des grands axes de transport, et des modèles économiques, sociaux et architecturaux qui ont mené à la dégradation inexorable des bâtiments. A l'époque, on était en pleine crise du logement d'après-guerre, il fallait construire beaucoup, vite et pas cher : les grands ensembles ont été construits avec les matériaux les moins coûteux, sur des terrains sans valeur (sur les plateaux, éloignés des axes de communication), et on a construit des logements sociaux par milliers dans chaque barre ou chaque tour. Au début, tout le monde était content de ces nouveaux logements neufs et modernes. Sauf qu'avec ce "modèle", on est loin de tout, on dépend de sa voiture (aïe, les chocs pétrolier passent par là), et surtout, l'accession à la propriété est impensable car cela compliquerait grandement la gouvernance des immeubles (imaginez le vote des décisions concernant l'entretien de l'immeuble ou les changements de cages d'ascenseur x1000 logements). Du coup, ceux qui ont les moyens de devenir propriétaires d'une petite maison avec jardin plus proches des centres villes s'en vont, et ne restent que les populations les plus défavorisées. Ajoutez à cela une dégradation accélérée de ces bâtiments trop chers à entretenir pour les sociétés de HLM (faire un ravalement d'un immeuble de plusieurs centaines de mètres de long, changer les 15 cages d'escalier en même temps, etc...), et vous avez des cités qui deviennent repoussantes, dans lesquelles on se met à entasser les populations les plus en difficultés.

La question de la densité là dedans ? ... et bien elle reste marginale. D'autant que les cités de grands ensembles sont bien moins denses qu'un centre ville par exemple, car les immeubles sont séparés par de vastes terrains vagues ou parkings. Bref, on voit donc bien que la densité n'est pas un problème en soi, il faut voir avant tout de quelle façon elle est traitée.

Aujourd’hui, on reparle de la densification des villes pour des raisons environnementales et de pénurie foncière. Pour le moment, il est utopique de vouloir maîtriser la croissance de la population, au vu de l’attractivité d’une ville capitale comme Paris : les gens viennent, et il faut bien qu’ils se logent ! Idem pour les entreprises. Mais à force de renier toute densité et toute construction en hauteur, on finit par construire une ville « à l’horizontale », et l’agglomération s’étend de plus en plus à coup de lotissements pavillonnaires (avec leurs célèbres rues en cul-de-sac …arg !). Or plus la ville est étalée, moins il y a de terrains disponibles, et plus les terrains sont chers (notamment ceux qui sont situés proches du centre ville ou des nœuds de transport). Ca, c’est pour la pénurie foncière.

L’autre problème concerne l’environnement et les transports : plus la ville s’étale à l’horizontal, plus les gens utilisent leur voiture pour se déplacer sur de longues distances. Aujourd’hui, on essaye de plus en plus de bannir l’automobile des villes, désignées comme grandes responsables des embouteillages et de la pollution. Mais toutes les mesures anti-voitures ne peuvent être efficaces que si l’offre de transport en commun depuis la banlieue s’intensifie et se diversifie, sinon les gens continuent de prendre leur véhicule personnel qu’ils trouvent « plus pratiques ». Seulement, pour mettre en place une ligne (ou un réseau) de transports en commun, il faut que celui-ci soit rentable, qu’il soit fréquenté… Impossible à réaliser dans une banlieue pavillonnaire (!) car qui dit forte fréquentation dit densité : CQFD. Aujourd’hui, le meilleur moyen de développer en banlieue une offre de transport en commun alternative à la voiture qui soit efficace et rentable, c’est donc de densifier, de construire de façon plus « verticale » et oublier l’étalement « horizontal ».

Mais la densification ne doit pas être vue comme la seule solution à appliquer de façon uniforme et simpliste dans toute la ville, ce serait une erreur. La ville est bien plus complexe que ça, et il ne faut pas oublier la mixité, ou la population qui a ses modes de vie, ses attaches culturelles, historiques, sociales vis-à-vis de formes urbaines diversifiées mais bien définies… C’est un équilibre (oui, comme un écosystème !) qu’il est très dangereux de modifier sur un simple « modèle uniforme d’architecte ou d’urbaniste », on l’a bien vu avec les grands ensembles. Il ne faut pas que la densification transforme une ville comme Paris en une espèce de « monstre urbain » de plusieurs dizaines de millions d’habitants (l’agglo compte déjà 10 millions d’habitants) casés dans des tours d’habitations et qui prennent tous les transports en commun pour converger dans d’autres tours (si belles soient-elles) du centre d’affaires de La Défense. Ca serait ignorer les facteurs de consommation des ressources, de production de déchets, et même de stress généré pour la population. Je pense qu’il faut chercher la solution dans les demi-mesures, c'est-à-dire densifier de façon intelligente avec des tours là où c’est nécessaire dans les centres importants, et des habitations collectives de moindre mesure dans des centralités secondaires pour éviter l’étalement pavillonnaire. Ensuite, tout est une question de mixité des fonctions (en finir avec les cités dortoir) et de formes urbaines ou architecturales adaptées pour faire oublier le fantasme du pavillon avec jardin si répandu parmi les gens.

Cela amène à parler de « la ville polycentrique »… faire une ville avec plusieurs centres. On rejoint le problème posé au début, pour savoir s’il faut créer de nouveaux centres d’affaires dans le 94 ou le 93 (je n’étais pas au courant, mais c’est une bonne nouvelle qu’on y réfléchisse !).

Aujourd’hui, l’agglomération parisienne souffre d’un gros déséquilibre entre les zones d’emploi (plutôt à l’Ouest) et les zones d’habitation (plutôt à l’Est). Ce déséquilibre provoque des flux de transport importants de l’Est vers l’Ouest le matin, et de l’Ouest vers l’Est le soir… ceux qui prennent l’A86, le périph, le RER A ou la ligne 1 du métro s’en rendent vite compte ! Forcement, qui dit flux de transport dit surcharges, dépenses d’énergie et donc pollution. Le but du jeu actuellement (qui est un des principes directeurs du SDRIF en cours de validation) est de rééquilibrer l’agglomération en développant des zones d’emploi à l’Est de l’agglomération pour se rapprocher des habitants, et ainsi faire des économies de transport. C’est le principe d’une ville polycentrique, avec plusieurs centralités économiques, plus proches des zones d’habitat, pour une plus grande mixité des fonctions à l’échelle de l’agglomération.

En outre, il faut aussi réfléchir à ces problèmes à différentes échelles.

Du point de vue institutionnel, une autre question est à l’ordre du jour : la création d’une structure intercommunale qui rassemblerait les communes du « Grand Paris » pour prendre en compte les problèmes à l’échelle de l’agglomération, comme cela se fait dans toutes les grandes (et petites) villes de France. Mais quels seraient les domaines d’actions d’une telle structure ? Que deviendraient les compétences actuelles de la Région ? Ne risque t-il pas d’y avoir un empilement excessif des structures (communes, départements, intercommunalités, région, syndicats mixtes, organismes de transport, périmètres des opérations d’intérêt national… etc.) ?

On risque de beaucoup en entendre parler dans les mois à venir (lien vers un blog intéressant à ce sujet : http://parisbanlieue.blog.lemonde.fr/ )

Il faut aussi réfléchir à l’échelle nationale, et au poids que représente Paris par rapport aux autres métropoles françaises. Comment peut-on limiter la croissance de Paris au profit des villes de province ? Jusqu’où ira la décentralisation ? Comment faire grossir les « villes moyennes » pour équilibrer les rapports de force entre une capitale archi-écrasante (culture, économie, politique…) et des villes qui souhaitent grandir et obtenir une reconnaissance européenne ?

Bref, beaucoup de vrais casses têtes !! …

Par Bgex

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Commentaires
B
J'ajouterai aussi que je suis toujours aussi inspiré pour des thèmes qui ne font pas partie de ma spécialité en urba... beaucoup de blabla, mais pas/peu de projections opérationnelles concrètes :D :D
B
Héhé, tu as fini par le publier ^^<br /> Pour le remettre dans son contexte, cet article est au départ une contribution à un forum où certains (non initiés à l'urbanisme) s'offusquaient de l'éventualité du retour des tours à Paris. Plus qu'un avis personnel, c'est avant tout une explication du retour dans les débats de ce type de bâtiments. Après j'avoue je me suis enflammé en élargissant de plus en plus les échelles :D<br /> J'ai écrit ce truc là en Septembre 2007, et on voit que la médiatisation du "Grand Paris" a évolué depuis ! A l'époque, pas une ligne là dessus dans les journaux. Et conseille toujours à ceux qui s'y intéressent le blog que j'ai mis en lien dans l'article : il donne un avis orienté (qui est pas mal en plus!), et au moins ça tient au courant de l'évolution des débats.
V
Plusieurs commentaires.<br /> 1 --> Aaaah, les stratégies pour faire des immeubles collectifs qui ressemblent à des pavillons individuels, ça me rappelle un semestre de Chapuy ! ^^<br /> 2 --> Et si la ville polycentrique existait déjà, mais sous d'autres formes que ce qu'on préconisait en faisant les villes nouvelles ? Certes le centre de Paris reste à part, mais les pôles économiques autour d'aéroports (fallait que je la ressorte :D) ou de grandes infrastructures / Institutions (du type Plaine de France, Saclay...), ça fait réfléchir... Certes, s'il y a plusieurs centres, il n'y a pas pour autant mixité.<br /> 3 --> Que dire de la tour signal de Nouvel dans ce contexte ? Coup de pub ou réelle prise de conscience que les IGH sont l'avenir ? (mon avis : c'est pas trois plantes vertes et du recyclage de l'eau qui vont changer la fonction première de la Défense, à savoir faire du business international, lui-même pas très bon pour l'environnement en général - m'enfin si c'est une prise de conscience c'est toujours un début)
Nico, What Else...?
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